Mise à jour : 24 janvier 2009
 
 
 
 

Omnium des libertés

OSCE octobre 2008

Varsovie

Durcissement des pratiques de discrimination religieuse en France

Suite de la déclaration :

Si ces associations créent un véritable « trouble à l'ordre public » en s'en prenant aux croyances minoritaires, il existe toutefois au sein de l'administration française nombre de personnes compétentes qui s'en tiennent aux faits.

Pour s'en persuader il suffit de lire le compte rendu de la Commission d'enquête parlementaire de 2006 sur les enfants au sein des minorités religieuses. Plusieurs hauts fonctionnaires ont déclaré que les problèmes liés à des «déviations sectaires » étaient minimes en France.

Le Directeur de la Jeunesse et de l'Education Populaire, du Ministère de la Jeunesse, des sports et de la Vie Associative a déclaré lorsqu'il a été interrogé par cette commission d’enquête : « Le ministère a mis en place, au niveau national, une cellule, qui est coordonnée par un inspecteur général. Il réunit régulièrement des représentants des directions de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Il entend des experts, convoque des directeurs départementaux, et s'assure que la politique de prévention du ministère est bien mise en oeuvre. Au plan local, nous avons mis en place dans chaque département un correspondant. Ces correspondants font remonter des informations. Mais cela ne suffit pas. Nous réunissons régulièrement les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports. [...] La remontée d'information passe par les correspondants, mais aussi par nos inspecteurs qui inspectent les établissement sportifs, les centres de vacances et les accueils de loisirs. Statistiquement dans le champ jeunesse, nous avons très peu de remontées d'informations. [...] Statistiquement, depuis les trois dernières années, nous n'avons pas eu de cas où nous ayons pu démontrer une mise en danger délibérée des mineurs ».

Cette déclaration confirmait celles d'autres fonctionnaires de police, de justice, de la gendarmerie, des renseignements généraux. D’après leurs témoignages sous serment, on ne pouvait dénombrer que quelques dizaines de cas qui nécessitaient une enquête.

Monsieur Fenech admet lui-même cette réalité puisqu’il écrit dans son rapport de mission intitulé « La Justice face aux dérives sectaires » publié en septembre 2008 :

« Les correspondants-dérives sectaires relèvent toutefois que le nombre de ces dossiers reste peu important » (page 34) et « Force est de constater que sur une population d’environ 60 000 enfants concernés à des degrés divers par la problématique sectaire, seule une centaine d’entre eux fait actuellement l’objet d’un suivi par les juges des enfants. On constate même une diminution de signalements concernant des enfants victimes d’une dérive sectaire. (…) Ainsi une enquête effectuée en 2003 auprès de 147 juges pour enfants a permis de déterminer que sur les 54 040 dossiers d’assistance éducative, seulement 192 concernaient directement ou indirectement une problématique sectaire, ce qui représente 0,14% de l’ensemble des dossiers. »

Mais Monsieur Fenech justifie ce nombre insignifiant de mesures d’assistance éducative en reprenant l’explication d’une psychologue : « Peut-être parce qu’il est encore plus difficile de préserver un enfant de la croyance de ses parents que de leurs coups ou de leur sexualité incestueuse. » (rapport page 30)

Il en conclut qu’il est nécessaire de provoquer plus de dénonciations d’enfants dont les parents appartiennent à des mouvements religieux ou philosophiques minoritaires, en particulier lorsque « les parents sont tous deux adeptes du même mouvement » et que le juge n’en est « ni informé ni saisi ». (rapport page 27)

Ces recommandations constituent une violation du droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs propres croyances, garanti tant par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« Convention Européenne des Droits de l’Homme ») (Protocole n° 1, article 2) que par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (Article 18.4), ainsi qu’une illustration flagrante de la lutte idéologique menée par Monsieur Fenech. En page 42 de son rapport, il préconise la mise sous tutelle des adeptes consentants des nouveaux mouvements religieux ou philosophiques au prétexte qu’ils « n’ont pas encore conscience d’être des victimes » et qu’ils sont des « esclaves heureux ». **

*Sur la base de ces positions extrémistes, Monsieur Fenech recommande que la justice française soit soumise de plus en plus à l'influence des groupes anti-sectes. Chaque année, la MIVILUDES organise à l'Ecole Nationale de la Magistrature une formation des magistrats sur les « dérives sectaires ». L’exercice du droit d’accès aux documents administratifs a révélé que ces séminaires, loin de constituer une information générale sur cette problématique, consistaient en réalité en dénigrement de certains mouvements minoritaires spécifiquement nommés, par des intervenants des associations anti-sectes susmentionnées. Les documents fournis aux participants contenaient des articles de presse hostiles et des décisions de justice défavorables à certains de ces mouvements, omettant volontairement de mentionner leur réformation ou annulation par des instances judiciaires ou administratives supérieures. Aucune des décisions positives obtenues devant les tribunaux n’était fournie, ni aucune des études sociologiques réalisée en la matière. Les mouvements concernés n’avaient bien entendu aucun moyen de répondre ou de démentir les accusations formulées. Cette désinformation des magistrats appelés à statuer dans des affaires pénales ou familiales, destinée à infléchir leurs décisions dans des dossiers précis, constitue une atteinte intolérable à l’indépendance de la justice, au droit à la présomption d’innocence et à un procès équitable.

Monsieur Fenech, dans son rapport, préconise de quadrupler ces formations de « sensibilisation » en les étendant à la police, à la gendarmerie, aux éducateurs, aux enquêteurs sociaux et aux experts psychiatres appelés à assister les juges pour déterminer quels groupes sont susceptibles d’être accusés de « sujétion psychologique » et quels parents doivent être privés de la garde de leurs enfants. Il recommande l’intervention systématique des associations anti-sectes et une augmentation de leur financement. La justice va donc devenir instrumentalisée par ces groupes de lutte contre les minorités.

C'est ce que nous dénonçons aujourd'hui et la raison pour laquelle nous sollicitons l'aide de votre prestigieuse institution.

Nous lançons également aujourd'hui de cette tribune un appel à tous ceux qui constituent la France au visage tolérant, humain et respectueux des convictions de chacun. Nous leur demandons de réaliser le danger que représente le durcissement de la politique française vis-à-vis de ses minorités religieuses, spirituelles, philosophiques ou thérapeutiques, qui sont soumises à un harcellement administratif, judiciaire ou professionnel, sur la base de rumeurs et de calomnies distillées par une poignée de militants non représentatifs de la société française.

Notre première recommandation est que le Représentant personnel du Président en exercice de l’OSCE pour la lutte contre l’intolérance et la discrimination à l’encontre des Chrétiens et des membres des autres religions envoie en France une mission qui recueillera les témoignages des nombreux membres d'associations spirituelles, religieuses et thérapeutiques victimes de discrimination.

Notre deuxième recommandation est que l'OSCE rappelle à tous ses Etats membres les droits des minorités religieuses, spirituelles, philosophiques et thérapeutiques en termes de respect de leurs croyances, tels que formulés dans les Accords d’Helsinki, et qu’elle encourage toutes les autorités françaises à engager un dialogue constructif avec les représentants de ces mouvements minoritaires.

Nous demandons le respect et l'application immédiate de :

- l'article 9 de la Convention Européenne des droits de l'homme :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. »

- l’article 2 du Protocole n° 1 à la même Convention :
« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

- l’article 18.4 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques :
« Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »

- l'article 10.1 de la Convention Européenne des droits de l'homme :
« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. »

- l'article 14 de la Convention Européenne des droits de l'homme :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »