DOSSIER OMNIUM N° 3 |
De nouvelles bases scientifiques à la médecine spirituelle ou comment nos états dâme modifient notre ADN pour le pire comme pour le meilleur (daprès un article de Marine Corniou paru dans Science et vie de mars 2010).
A contre-pied du déterminisme implacable du « tout génétique », de nombreux chercheurs constatent aujourdhui que nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent lexpression de nos gènes en permanence. Si lon sait depuis longtemps que le stress et les traumatismes psychiques influent à la fois sur les comportements et sur la santé, les récents travaux montrent quils attaquent directement lADN. A linverse les émotions positives peuvent modifier lexpression des gènes selon un profil totalement opposé à celui induit par le stress. Ainsi, contrairement à ce quaffirmaient les scientifiques dans les années 90, nous ne sommes pas que le produit de nos gènes. Nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent lexpression de nos gènes en permanence. En fait il ny a aucune fatalité génétique, rien nest irréversible, rien nest irrémédiable. Par contre il y a beaucoup à faire sur nous-mêmes !
Violences, mauvais traitements, abus sexuels, abandon et autres traumatismes psychologiques laissent une trace psychique indélébile à lâge adulte, comme lavait observé Sigmund Freud il y a plus dun siècle ou peuvent avoir des conséquences psychosomatique importantes comme lon découvert certains de ses successeurs (Georg Groddeck). Depuis, une multitude détudes cliniques lont confirmé : ceux qui ont subi de grands traumatismes dans lenfance sont globalement plus sujets à la dépression, à la toxicomanie, aux comportements asociaux, mais aussi à lobésité, au diabète, aux maladies cardiovasculaires et au cancer. Pis, ce mal sancre parfois en nous avant la naissance ! Car dautres études montrent que les enfants dont la mère a subi un stress psychologique prolongé ou un traumatisme psychique intense pendant la grossesse ont plus de risque que les autres dêtre anxieux, dépressifs voire schizophrènes. Cest un fait que la psychologie a établi et qui fait consensus : il existe un lien entre traumatisme psychiques et comportements. Quel lien ? Comment des expériences négatives peuvent-elles sinscrire dans lorganisme au point daffecter durablement le comportement et la santé, voire se transmettre aux générations suivantes ?
Ainsi une étude célèbre menée en 1992 sur la famine ayant frappé les Pays-Bas en 1945 révèle que, en réaction au manque de nourriture, les bébés conçus à cette période étaient nettement plus petits que la moyenne. Ils avaient aussi plus de risques de maladies diabétiques, cardiovasculaires ou autres. Mais ce qui est plus extraordinaire encore cest que leurs propres enfants ont souffert eux aussi dun faible poids et des mêmes conséquences sur leur santé fragilisée. Lempreinte « épigénétique » laissée par la famine a donc été transmise sur deux générations. Les cellules sexuelles conservent donc la mémoire des expériences passées pour le meilleur comme pour le pire ! Cette transmission est automatique et inconsciente si rien nest fait pour transformer ces « marques épigénétiques » qui, comme nous le verrons, sont réversibles et malléables.
Le secret de cette empreinte biologique serait niché au cur de nos cellules là où les effets du stress perturbent lorganisme en sattaquant à lADN. Ce pouvoir étrange de lesprit sur le corps a été démontré par la biologiste australo-américaine Elisabeth Blackburn prix Nobel de médecine 2009 et Elissa Epel, psychiatre de luniversité de Californie en comparant lADN de mères denfants en bonne santé et celui de mères denfants atteints dune maladie grave ou chronique, comme lautisme ou un handicap moteur ou cérébral. Eh bien, chez ces dernières, soumises au stress psychologique chronique, lADN présente des signes de « vieillissement précoce », comme sil était rongé par langoisse. Plus précisément, cest lextrémité des chromosomes qui est atteinte. En effet au cur des cellules, lADN est condensé sous forme de chromosomes., à lextrémité desquels se trouvent des « capuchons » appelés télomères qui les protégent de lérosion au fil des divisions cellulaires. Cependant les télomères raccourcissent progressivement au fur et à mesure que la cellule vieillit. Or, chez ces mères angoissées, les télomères sont anormalement courts, reflétant un vieillissement accéléré de 9 à 17 ans. « Nous observons ainsi un lien direct entre les émotions et ce qui se passe dans la cellule, précise Elissa Epel. Et nous avons aussi constaté que lorsque le niveau de stress diminue la longueur des télomères augmente ». Elisabeth Blackburn déclare : « Nous commençons à en comprendre le mécanisme. Nous cherchons du coté des interactions avec le cortisol, lhormone du stress dont le taux élevé est associé à une réduction de lactivité de la télomérase, la molécule chargée de lentretien des télomères ».
Non content de sattaquer aux télomères (comme dautres facteurs chimiques ou biologiques le font par ailleurs), létat de stress inscrit sa marque directement sur nos gènes, modifiant de façon ciblée et durable certains de nos comportements. Cette action relève dun phénomène biologique dont limportance se dévoile de plus en plus aujourdhui : lépigénétique, terme désignant les modifications chimiques qui affectent lADN, autres que les mutations qui touchent la structure même de la molécule dADN (naturelles ou provoquées par des radiations, des substances chimiques ou des virus et des vaccins). Ces modifications épigénétiques sont comme de petites « étiquettes » - des groupements méthyles qui indiquent aux cellules quels gènes elles doivent utiliser ou, au contraire, ignorer. La méthylation empêche physiquement lexpression des gènes en se plaçant sur lADN. Les biologistes constatent que stress et traumatismes psychiques entraînent des erreurs détiquetage épigénétique dans la zone cérébrale qui gère les émotions: Lhippocampe. Une équipe menée par Michael Meaney, à lUniversité de McGill (Canada), la montré en 2004 en comparant le cerveau de bébés rats cajolés par leur mère à ceux de ratons délaissés. Le délaissement induit des modifications épigénétiques qui bloquent le gène utilisé pour produire le récepteur aux corticoïdes dans lhippocampe. Or ce récepteur contrôle la réponse au stress en réduisant le taux sanguin du cortisol, lhormone libérée en cas de stress. En clair les rats délaissés possèdent moins de récepteurs aux corticoïdes et sont donc moins armés pour faire face au stress. Perpétuellement angoissés, ils souffrent de troubles de la mémoire et dun comportement dépressif. Même à lâge adulte, le moindre dérangement prend chez eux des proportions alarmantes. Ce résultat peut-il être extrapolé à lhomme ? Oui, répondent les mêmes chercheurs qui, en mars 2009, ont publié les résultats de lanalyse du cerveau de personnes décédées par suicide, certaines ayant été victimes de sévices sexuels dans lenfance, dautres non. Chez celles ayant subies des abus, le gène du récepteur aux corticoïdes est bloqué par une méthylation de lADN des neurones de lhippocampe, tout comme chez les rats abandonnés. « Ces personnes ont donc naturellement un taux de cortisol élevé, ce qui est souvent associé à un état dépressif majeur » explique Moshé Szyf, lun des auteurs de létude. Ainsi en affectant les gènes qui permettent de lutter contre les tensions, les traumatismes précoces altèrent durablement la capacité à surmonter les difficultés, favorisant le risque suicidaire. Depuis deux ans, les études qui confirment le rôle de lenvironnement et du vécu dans lapparition des troubles mentaux se multiplient. En 2008 les chercheurs canadiens du centre de laddiction et de la santé mentale, à Toronto, ont comparé le cerveau de personnes atteintes de schizophrénie ou de troubles bipolaires à celui de témoins. Chez les premiers 40 gènes présentaient une méthylation anormale. Or ces gènes savèrent pour la plupart impliqués dans le développement cérébral ou la transmission des messages entre les neurones. Certaines données sont troublantes et cest parfois en remontant très loin dans lhistoire dun individu, que lon trouve la « source » de la maladie. Ainsi, en 2008 également, une étude danoise menée sur 1,38 million de femmes a montré que le fait dêtre confronté à la maladie ou au décès dun proche juste avant ou pendant la grossesse augmente de 67% le risque de schizophrénie chez lenfant à naître. En outre lorsquune femme est dépressive ou anxieuse pendant la grossesse, le bébé a tendance à présenter un marquage épigénétique anormal sur le gène du récepteur aux corticoïdes. Avec pour conséquence un nourrisson au taux de cortisol élevé, très sensible au stress. La preuve que nos gènes gardent la cicatrice des événements vécus avant la naissance ! « Je pense que la plupart des maladies chroniques comme lasthme, le cancer, le diabète, lobésité, lhypertension et des maladies neurologiques (autisme, troubles bipolaires, schizophrénie) résultent en partie dune mauvaise régulation épigénétique lors des premiers stades du développement », estime Randy Jirtle, directeur du laboratoire dépigénétique à la Duke University, aux USA. Alors que le génome dun individu reste très stable au cours de sa vie, lensemble des marques épigénétiques qui régulent lexpression des gènes « son épigénome » - varie constamment, en réaction aux variations extérieures. Et cest justement son rôle : « lépigénome est une interface entre nos gènes, qui sont statiques, et notre environnement, variable », explique Randy Jirtle. Ainsi la « partition » génétique reste la même, mais son interprétation peut varier au cours de la vie, en fonction de son marquage épigénétique.
Mais alors si le marquage épigénétique est dynamique, serait-il réversible ? Lexpérience de chercheurs de lUniversité Rockefeller, à New York, le laisse penser. Ils ont réussi en novembre 2009 à « annuler » les effets épigénétiques causés par le stress dans le cerveau de souriceaux en leur donnant un antidépresseur. Mieux, la trichostatine A, un médicament proche du valproate (antiépileptique utilisé également dans le traitement des troubles bipolaires et la régulation des troubles de lhumeur dans certaines psychoses), a permis de supprimer le marquage épigénétique anormal et de corriger les comportements de rats adultes ayant été négligés par leur mère à la naissance. En outre les émotions positives peuvent heureusement elles aussi, laisser leur empreinte. En 2008, des travaux menés au Massachusetts Général Hospital ont montré que huit semaines de relaxation suffisaient à modifier lexpression de plusieurs centaines de gènes, selon un profil totalement opposé à celui induit par le stress. Par ailleurs, une nouvelle étude menée à luniversité de Saarland à Hambourg, vient de montrer que lactivité physique ralentit le raccourcissement des télomères dans les globules blancs. De son côté, Elissa Epel lance une étude pour étudier « les effets de la méditation sur la longueur des télomères ».
Ce message extraordinaire nest pas celui dun groupe spirituel marginal ou dune philosophie farouchement opposés aux théories du déterminisme, cest celui de nombreux scientifiques, prix Nobel de médecine pour certains. « En fait le message de lépigénétique est optimiste. Ses empreintes peuvent être inversées et nous cherchons maintenant des médicaments ou des techniques agissant sur ce marquage pour soigner les maladies mentales, explique Moshe Szyf, il y a aussi des chances pour que le soutien social et psychologique suffise à corriger le marquage épigénétique chez les personnes à risques ». Ainsi, contrairement à ce quaffirmaient les scientifiques dans les années 1990, nous ne sommes pas uniquement le produit de nos gènes. Nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent lexpression de ces gènes en permanence. Avec la certitude que rien nest irrémédiable, rien nest irréversible si lon accompagne chacun du soutien nécessaire et si lon renonce à « enfoncer le clou » par lexclusion, le rejet et le manque damour.
Cette science nouvelle quest lépigénétique nest pas vraiment nouvelle, du moins en ce qui concerne lidée même de linterdépendance de lâme et du corps. Ce qui est nouveau et extraordinaire cest la connaissance des mécanismes physiques qui lincarnent. Les traditions plurimillénaires du yoga auxquelles sont empruntées la plupart des techniques modernes de relaxation, de rêve éveillé (sophrologie, hypnose), de méditation et de pacification de lesprit, sont déjà lexpression pratique de cette connaissance. Tout lart du Yoga relève de la libération progressive de tendances négatives, physiques ou psychiques qui sont elles-mêmes conditionnées par limprégnation des expériences passées, les Vasanas, qui peuvent être dorigine individuelle, familiale ou collective. Les yogis, bien que nayant aucune notion de cellules et de chromosomes, ont imaginé la relation de lesprit au corps dune façon très précise à travers la notion de chakras, centres de la conscience physique et siège de la puissance créatrice (intelligence génétique ?) qui trouve sont plein épanouissement dans le centre cérébral (Sahasrara chakra), siège de la conscience mentale. Bien avant quon en ait la moindre idée (plusieurs milliers dannées), ils ont donné à cette axe psychophysique limage dune double hélice qui organise les quatre éléments disposés par deux (Terre-eau et Feu-air) comme les marches de lescalier qui forment lADN (Adénine-Thymine et Guanine- Cytosine). Le cinquième élément, léther, conditionne « la forme, la dimension spatiale » des quatre autres. Ils avaient bien compris que leur corps était lexpression de leur âme, quils étaient le verbe fait chair pour faire appel à une autre version, plus chrétienne, de cette même pensée.
Cette science nouvelle quest lépigénétique apporte des éléments importants de compréhension à des mécanismes qui peuvent ensuite trouver leur champ dapplication dans des techniques tels que la relaxation, le rêve éveillé ou la méditation mais aussi la psychanalyse, l analyse transgénérationnelle et la psychologie comportementale. Certains médicaments pourront sans doute apporter une excellente contribution à cette uvre de guérison fondamentale du corps par lâme, mais aussi et surtout, dirais-je, des plantes et des compléments dont les principes actifs, déjà bien connus, contribuent à neutraliser les effets pervers du cortisol sur lorganisme et les gènes : A) les plantes anti-stress; B) les plantes antidépressives et calmantes ; C) La L. Théanine extraite du thé vert ; D) Les flavonoïdes et les antioxydants comme la vitamine E qui agissent tout particulièrement sur la neutralisation du cortisol sanguin et cellulaire et sur la fameuse HSD qui permet la reconversion du cortisol inactif en cortisol actif. Mais lépigénétique apporte surtout une base scientifique à la guérison spirituelle, que lon entende par là les méthodes du yoga et de la psychologie déjà citées (quelles soient reconnues ou non par les « pouvoirs » ne leur enlèvent rien bien au contraire) et confère à ce qui ne semblait relever que de lillusion ou de la magie une grande crédibilité. Hé oui ! La foi non pas aveugle mais bien dirigée peut sauver des vies ; la force de lamour peut changer les données génétiques, là-aussi à condition de bien comprendre ce qui se passe ou sest passé dans lautre. La violence des paroles peut tuer, la persécution sociale peut être considérée comme criminelle et elle tue aussi sûrement quune arme. Inutile de vous dire à quoi et à qui je pense en disant cela !
Cette affirmation de Moshé Szyf montre quune refonte profonde des relations sociales est nécessaire alors quelles sont uniquement basées sur les rapports dargent et de pouvoir, sur la concurrence sauvage, légoïsme et le profit. Le but de la vie nest ni largent ni le pouvoir, mais le bonheur et lépanouissement de tous les êtres. Toute société digne de ce nom doit tendre vers ce but, vers le respect profond de tous et lamour de chacun surtout le plus faible et le plus exclu. Toutes les sociétés qui cultivent la haine, lexclusion, linjustice sociale, la peur de manquer de lessentiel et la peur tout court cultive le mal être, la maladie et la mort. Ceci implique non seulement un autre comportement de la part de lélite responsable mais une véritable mobilisation solidaire de la part de tous à tous les niveaux de la société. Il est urgent de sécuriser sur le plan matériel les plus démunis et sur le plan émotionnel les plus désemparés dentre-nous. Il est urgent de soccuper les uns des autres avec cur et de créer un environnement social vraiment solidaire où tous puissent trouver refuge enfin ! En réalité pour pouvoir guérir nos âmes et libérer nos corps du « poids épigénétique» qui le plombe, nous devons également guérir lâme de nos sociétés, fragilisée par des siècles dignorance, de violence et de peurs, par des siècles didéologies religieuses, nationalistes et racistes absurdes et sanguinaires, qui ont marqués la chair de lhomme. Nous devons cultiver lamour de lautre comme de nous mêmes, lamour de la vie, lamour de la beauté, de ce qui a vraiment du sens. Tout ceci peut sexprimer parfaitement à travers la laïcité, la fraternité et le lien social mais aussi à travers les groupes spirituels ou philosophiques de tous bords à condition quils en appellent à la reconnaissance les uns des autres, à lunité, à lentraide, à lamour de la vie et quils sabstiennent de toute haine, de tout rejet, de toute exclusivité surtout celle de la vérité et de la divinité.